Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/78

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habit troué et sans souliers, soit du maigre avocat d’Arras, mendiant les causes chez les procureurs, soit du député bafoué aux États généraux ou vertement molesté à la Convention par l’insolente Gironde. On dirait que, en marche vers un but que lui seul aperçoit, il veut abolir témoins et souvenirs de ses humiliations passées et de ses débuts mesquins.

L’amoureuse et innocente Lucile elle-même va périr pour n’avoir pas retenu le cri de désespoir que lui arrache la mort de son bien-aimé Camille ; avec la femme d’Hébert, avec Chaumette, – idole éphémère de Paris, – elle montera, sereine, les degrés de l’échafaud, parce qu’elle a connu le soupçonneux oppresseur avant sa puissance et qu’il appréhende sa vengeresse pénétration.

Que rêve-t-il donc ? On ne sait pas. L’a-t-il su lui-même ? Le voici maintenant au pinacle : il tient en main la Convention[1], les Jacobins, la Commune de Paris, l’armée parisienne, le collège électoral, tous les clubs de France, le Tribunal révolutionnaire qu’il a « épuré » en sous-main[2], la vie et la fortune de tous les citoyens[3] ; on l’écoute

  1. Durand-Maillane, 359.
  2. Lettre d’Hermann à Robespierre, brumaire an II : – « Dumas m’a dit vous avoir présenté un projet d’organisation pour le tribunal… » Papiers inédits trouvés chez Robespierre, I, 281.
  3. Baudot, Notes historiques, 149. – « Robespierre ayant envoyé à la mort les députés du côté droit et du côté gauche, s’était emparé du droit de vie et de mort sur les membres de la Convention, de quelque opinion qu’ils fussent… Il exerçait sans contrainte le même droit sur les citoyens ; il avait la même puissance sur les fortunes, car la confiscation était alors la conséquence obligée de la condamnation. »