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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/140

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de l’impression qu’il venait d’exprimer si vivement, Ali s’était arrêté ; Paul avait pâli.

« Vous êtes rude, Ali, dit-il enfin d’une voix émue. Vous frappez en puritain, sans crainte de blesser… Mais je vous montrerai que mon âme a pourtant assez de ressort pour se relever sous un outrage… mérité. Ali, je vous le jure, ma main ne touchera plus celle de Louise. Vous pouvez donc, étrange enfant, me donner la vôtre. Mais, cher Ali, entre vous et la vie réelle, il y a véritablement un abîme. »

Ali avait reçu la main de son ami dans la sienne qui tremblait. Son émotion était extrême.

« Les hommes, dit-il avec la même expression de susceptibilité douloureuse, les hommes accusent la vie, et ce sont eux qui la font. Cet abîme qui, dites-vous, sépare une vie pure de la vie réelle, votre volonté, Paul, est assez grande et assez noble pour le combler quand elle le voudra.

— Vous avez raison, répondit Paul avec sa vive franchise. Nous sommes élevés, je le reconnais, dans des habitudes d’esprit qui suppriment en nous, sur ce point, tout respect de nous-mêmes. Parfois, je l’ai senti… sans m’y arrêter. Mais si l’exemple perd, l’exemple aussi nous élève. Près de toi, mon jeune héros, on respire moralement un air aussi pur que celui de ces montagnes. Nous sommes amis, et je me promets que désormais tu n’auras plus à rougir de ton ami. »

Ils se prirent alors par le bras et continuèrent de marcher dans la prairie, en s’entretenant sur le même sujet, d’une manière plus paisible et tout intime, — du côté de Paul avec une ardeur sincère de senti-