Page:Leo - Aline-Ali.djvu/181

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Nouveaux rires. Lancée par l’hôte sur ce ton, la conversation redevint licencieuse. Ali se tut.

Mais Donato revint à l’attaque.

« Oui, la femme est la joie de l’homme, son nectar, son ambroisie. Les Grecs, nos maîtres en tout, n’estimaient point un jeune homme qui n’avait pas passé par les mains des courtisanes ; entendez-vous cela, monsieur de Maurion ? Les femmes achèvent l’homme après l’avoir fait. Socrate fut l’ami d’Aspasie. Et c’est de cette femme célèbre, aussi bien que des Laïs et des Phryné, qu’Athènes reçut le don qui l’a rendue par le monde un éternel flambeau de goût, d’atticisme, d’art, de vie supérieure, tandis que Sparte, d’où la courtisane était proscrite, nourrissait un peuple dur, sans grâce, haïssable et malheureux. Cessez donc, ô triste jeune homme ! de sacrifier à l’absurde, et portez avec nous un toast à Vénus.

— Ainsi, répondit Ali, à vos yeux la courtisane remplit une fonction utile dans l’ordre social ?

— Incontestablement.

— Pourquoi feignez-vous alors de les mépriser, et honorez-vous faussement les femmes honnêtes ?

— Question d’enfant ! Ne faut-il pas à celles-ci quelques compensations ? Quand cette pauvre vertu veut bien se contenter de couronnes, il serait trop cruel de les lui refuser ?

— Supprimer partout la chasteté, si elle est une erreur, serait plus juste et plus simple, dit Ali.

— Pas du tout s’écria l’un des hommes mariés qui se trouvaient là. Pas du tout ! Il nous faut chez nos femmes de la vertu. Elles sont les prêtresses du devoir, et les courtisanes celles du plaisir.