revenu de l’emportement irrésistible où l’avait jeté l’indignation, Ali regrettait vivement une scène dont les conséquences pouvaient retomber sur son ami. Ces duels refusés, Paolo ne les accepterait-il point ? résisterait-il au désir de venger les propos lancés à cette occasion contre Ali ? De son côté, Paolo craignait pour son ami les ressentiments qu’il venait d’exciter, et, à défaut du duel, la bastonnade ou l’assassinat.
« Dois-je quitter Florence ? demanda, au sortir d’une méditation pénible, le jeune de Maurion.
— Non, répliqua vivement Paolo, tu ne dois pas fuir. Je le devine, c’est pour moi que tu partirais. Mais tu te trompes : toi présent, je ne te ferai pas l’injure de prendre pour mon compte les duels que tu refuses. J’approuve ta résolution et m’y associe. Dans ton absence, au contraire, libre de ma colère, je te défendrais contre tout propos fâcheux. Pour ta sûreté, je préférerais te voir partir ; mais je t’aime trop pour ne pas te laisser risquer ce que je risquerais moi-même à ta place, la vie pour l’honneur.
— Je resterai, dit Ali en serrant la main de son ami.
— Promets-moi seulement de ne pas sortir sans moi. Je le viendrai prendre chaque jour.
— Est-ce bien plus brave que de partir ? demanda Ali en souriant.
— Un homme attaqué par une foule a le droit de se faire défendre par ses amis et de parer aux embûches. »
Cette scène du banquet fit grand bruit dans Florence. On prit parti pour et contre le jeune Français, et il eut ses enthousiastes, mais en petit nombre.