Page:Leo - Aline-Ali.djvu/197

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que la vive nature de Paolo, livrée à elle-même, eût plutôt exagérés. Cette amitié pure, égale, toujours prête, était un si doux refuge ! Si tendrement et avec tant de puissance elle guérissait le cœur endolori, endormant son inquiétude, baignant d’un flot d’amour la plaie faite par quelque dureté ou quelque injustice. Rosina eût été jalouse qu’on n’aurait pu le lui reprocher. En atténuant si bien les souffrances de l’amour, cette amitié en atténuait l’ardeur.

Un soir, après avoir quitté la cantatrice, ils sortirent ensemble de la ville, en suivant les rives de l’Arno. Un air doux et tiède caressait leurs fronts ; l’Arno, coulant à leurs pieds, réfléchissait dans ses flots la lune, qui se levait pâle et pure ; les étoiles s’allumaient au ciel ; Florence derrière eux s’éclairait ; sur les bords du fleuve, les frontons des villas, baignés par l’épaisse lumière, offraient à l’œil des contours mous, indécis, et les arbres des jardins et les peupliers des berges se repliaient assoupis, avec un chuchotement doux où se mêlaient des bruits d’ailes.

Depuis quelque temps déjà les deux promeneurs marchaient côte à côte sans se parler. Paul Villano, la tête baissée, le front couvert par l’ombre de son chapeau, courbait sa noble taille comme sous le poids d’une fatigue ou d’une préoccupation. Moins grand de la tête, mais admirablement proportionné dans sa taille élégante et souple, Ali, tenant à la main le petit chapeau de feutre noir qu’il portait d’habitude, livrait son front et ses cheveux à la brise, et suivait son ami, en jetant sur lui de fréquents regards.