Page:Leo - Aline-Ali.djvu/213

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amour plus vaste, un orgueil plus haut… Encore une fois, Rosina, me voulez-vous pour ami ?

— Je te l’ai dit, répondit-elle en pleurant, à condition que tu ne me quitteras pas.

— C’est impossible. Paolo désormais doit vous quitter, et je l’accompagne. Et puis, toute occasion de malentendu doit être écartée. Je voudrais vous guérir, vous fortifier, non vous nuire. Mon amitié vous restera ; mes lettres seront fréquentes.

— Non ! s’écria-t-elle, devenue presque menaçante, non ! Votre amitié est menteuse ! votre pitié est insultante ! Vous m’avez trompée ! Votre douceur, qui ressemble à de la tendresse, n’est que le masque d’une sécheresse impitoyable. Vous n’avez pas de cœur ! vous n’êtes point un homme ! Vous ne pardonnez que du bout des lèvres. Et toi aussi, n’est-ce pas, tu modèles dans les nuages quelque froide poupée, dont la virginité, faite de précautions et de glace, te donnera du moins les pâles satisfactions de la vanité ? Pour cela, tu auras dédaigné la passion la plus pure, la plus ardente, et ta fausse compassion m’aura plus sûrement précipitée dans le mal que la brutalité grossière des autres hommes ! »

Ali se leva. L’hésitation tout à l’heure peinte sur ses traits avait disparu, et se plaçant debout devant elle :

« Eh quoi ! Rosina, dit-il, suffirait-il de croire à la chasteté dans l’amour pour devoir être l’amant de toute femme qui pleure son passé ? Mais vous vous trompez ; ce passé vous possède encore et vos lèvres seules l’abjurent. Vous n’avez encore d’autre but que votre désir ; vous suivez encore et toujours votre fantaisie. Il vous plaît d’avoir un amant ignorant et