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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/227

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sécurité accordée en ce monde à l’homme qui possède une part de cette terre et l’abri d’un toit. Favre était propriétaire d’un champ dans le bas coteau, où le grain de blé dormait sous la neige, où la pomme de terre chaque été poussait savoureuse ; et encore de deux prés à quelques centaines de pieds plus haut. Il avait deux bonnes vaches, deux maigres juments, un char qui transportait quelquefois de Bex à Grion, tant bien que mal, des voyageurs et leurs malles ; enfin le titre de bourgeois et sa part du communal.

Ces avantages donnaient à leur possesseur un droit de citoyenneté sur la terre, dont il était orgueilleux et content comme le serait un chêne de ses racines. Tout cela ne permettait, il est vrai, de manger du lard que le dimanche ; mais cela avait vu passer bien des fortunes de banquiers, de monarques même ; d’ailleurs, le fromage, le beurre et le lait pur ou caillé ne manquaient, Dieu merci, en aucune saison, non plus que les oignons et les pommes de terre. Toutefois le père Favre ne bornait pas là ses désirs : il était, comme tout bon Suisse, possédé de l’amour du gain, et les journées d’hiver se passaient pour lui à ruminer dans sa tête le moyen de gagner l’été prochain plus qu’il n’avait fait l’été dernier, en louant ses services aux voyageurs.

Certain coin de l’armoire cachait un certain magot que le père Favre désirait accroître ; il était père d’une fille et de trois fils, d’où la nécessité de nouveaux chalets à construire. On a vu déjà avec quel empressement il avait saisi au vol la fantaisie de Paul Villano, et, malgré la tristesse et les préoc-