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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/257

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humeur, je puis dire. Et, arrivé à l’endroit où vous avez fait le saut, j’ai dit : « Bon, je sais où ils sont : « dans le creux du Puits-d’Enfer, ou pas loin. »

« Et vous avez du bonheur que j’aie été pâtre à Solalex deux années de ma jeunesse ! car je connais la montagne, voyez-vous, comme la connaît celui qui l’a faite ; alors donc je suis descendu au plus raide, en me laissant glisser, et j’ai couru au chalet chercher la corde, le pieu de fer, tout ce qu’il fallait enfin, sans oublier la gourde, bien entendu. Et je ne me suis détrempé que pour cinq minutes de prière, ce qui ne nuit jamais, outre un ou deux coups de vin que j’ai pris pour me donner des forces ; et, Monteu[1], quand j’ai entendu votre voix !… »

Ici, Favre s’arrêta ; non pas qu’il n’eût encore bien des choses à dire, mais parce que l’attendrissement lui serrait la gorge. Paul et Ali déjà reposaient sous leurs rideaux ; il les obligea de souper dans leur lit, les sermonna tout le temps, et sortit en grondant encore.

Si vives et si étranges qu’eussent été les émotions de la journée, sous l’influence de la chaleur d’un bon lit, après le froid qu’il avait subi, Paul s’endormit promptement. Au milieu de la nuit, il se réveilla sous une impression pénible. Des soupirs semblables à des gémissements sourds se faisaient entendre près de lui.

« Ali, demanda-t-il, souffres-tu ? »

Ne recevant pas de réponse, il alluma la bougie, s’enveloppa de sa robe de chambre et s’approcha du lit de son ami. Ali dormait, mais d’un sommeil

  1. Corruption de l’exclamation : mon Dieu.