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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/275

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lignes étroites où l’on enferme la vie en ce monde. »

Alors, elle raconta son enfance, calme, réfléchie, studieuse, innocente ; l’amitié protectrice de son père, et, enfin, l’amour de son fiancé ; combien, malgré l’estime et la sympathie que lui inspirait Germain Larrey, elle ressentait déjà de vague appréhension vis-à-vis d’un engagement si solennel, dont les conditions lui étaient si peu connues et lui paraissaient déjà fort incomplètes.

Puis, cette nuit terrible, où les révélations de sa sœur la transportèrent subitement du monde chimérique de l’ignorance dans le monde réel ; sa stupeur devant le testament de haine laissé par Suzanne contre l’ordre de choses qui l’avait tuée ; le souvenir de ces paroles répétées cent fois : « Si tu n’as point une âme d’esclave, si tu ne veux vivre de honte et mourir de douleur, garde-toi des hommes ! reste libre. »

D’une voix moins émue Aline raconta encore ses incertitudes, son désir de vérifier par elle-même d’aussi terribles révélations, et son explication avec Germain Larrey, suivie d’une rupture. En quelques phrases, entrecoupées d’autant de réticences, elle laissa voir la crainte qu’éprouvait son père qu’elle ne se mariât point, son propre désir à elle-même d’aimer, de vivre la vie humaine, mais sans se perdre ni s’abaisser ; et le projet qu’elle avait formé dès lors, dans sa chaste audace de jeune fille, de connaître en frère et en ami celui qu’elle épouserait. Elle parla en souriant des hâtives études grâce auxquelles, en une seule année, elle avait ajouté à ses connaissances un vernis universitaire ; la permission obtenue de son père, non sans peine, qu’elle