Page:Leo - Aline-Ali.djvu/277

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vie de jeunesse ; lui, le meilleur peut-être de tous ceux-là, mais, hélas ! déjà souillé par plus d’un amour vulgaire, avant le jour où les caresses d’une courtisane l’avaient avili, sous les yeux mêmes de ce juge suprême et adoré qui tenait sa destinée. Ce qu’il avait cru pardonnable aux yeux d’Ali, devant elle, ne l’était plus. Il subissait, malgré leur intimité, malgré lui, l’influence de la différence énorme établie par l’esprit humain entre l’homme et la femme. Moralement, aussi bien que physiquement, Aline et Ali ne lui semblaient plus le même être.

L’avenir, qui tout l’heure lui apparaissait flamboyant de délices inespérées, il le vit alors douteux, sombre. Un pressentiment fatal lui serra le cœur. Cependant… il se savait si profondément aimé de son Ali ! Cet amour si unique, si grand, qui avait attaché à ses pas cette jeune fille, qui les unissait vraiment d’un indissoluble lien, ne serait-il pas capable de dominer tout fatal souvenir ?

Aussi brusquement qu’il était sorti, il rentra, avide de la revoir, de trouver dans ses regards, dans son attitude, des indices de ce qu’il pouvait espérer ou craindre…

Elle l’attendait, et le doux regard, un peu inquiet, qu’elle fixa sur lui fit sentir à Paul les immensités nouvelles de cette affection, qu’auparavant il n’eût pu croire susceptible de s’étendre. Favre avait mis le couvert et servait le souper. Les deux amis s’efforcèrent d’y prendre part, mais avec si peu de succès, que Favre, dont l’idée fixe était de partir, affirma qu’ils allaient tomber malades, et qu’il était grand temps d’aller retrouver des vivres plus frais et la vie des basses vallées.