Page:Leo - Aline-Ali.djvu/278

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« Je crois que vous avez raison, Favre, » dit Ali.

Paul fut troublé de cette parole.

Restés seuls, ils firent un effort pour vaincre la gêne secrète qui, malgré eux, persistait. Paul se fit raconter de nouveaux détails de l’enfance d’Aline, qui se plut à le satisfaire ; elle retraçait avec charme et rêverie ces purs souvenirs ; il l’écoutait avec un attendrissement profond.

« Ah ! s’écria-t-il, pourquoi ne nous sommes-nous pas connus dès ce temps-là ! »

Et prenant la main de la jeune fille, il la baisa.

Mais elle la retira si brusquement qu’il en fut blessé.

« Quoi ! s’écria-t-il, un hommage aussi simple peut te fâcher ?

— Un hommage ! s’écria-t-elle. Et que signifie un hommage entre nous ? Ah ! Paul, Paul ! je t’en supplie, n’altère pas la plus haute, la plus parfaite union qu’aient jamais goûtée deux êtres !…

— Parle, exprime ta volonté, dit-il tristement, j’obéirai.

Mais cette humble réponse ne fit qu’augmenter la douloureuse impatience d’Aline.

« Toi, m’obéir, Paolo ! toi me rendre hommage ! Et que sommes-nous devenus, en quelques heures, nous qui jusqu’ici vivions si à l’aise dans les hautes régions du libre accord, de la franchise, de la liberté ? Quand nos âmes depuis longtemps se sont pénétrées, faut-il que ce nom de femme, que tu me donnes aujourd’hui, me rende à tes yeux un être différent d’hier ? Écarte ces souvenirs d’un monde qui n’est pas le nôtre ; rejette ce bagage vieux et souillé de faux respects, de perfides humilités, et