Page:Leo - Aline-Ali.djvu/280

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« Il n’y a, vois-tu, qu’une manière vraie pour l’homme d’honorer la femme, c’est de voir en elle ce qu’elle est surtout et avant tout, l’être humain, comme lui. La femme n’est pas cet être de convention que l’imagination troublée des hommes entoure de nuages, quand ils ne l’écrasent pas sous la boue. C’est l’être dont la chair et le sang ont formé les vôtres ; c’est votre fille, votre sœur, vous-même… Ici, près de toi, Paul, c’est encore, et toujours, ton frère, ton ami. Pour tout homme honnête et digne, vis-à-vis des femmes, l’amour serait l’exception, non la règle ; une seule épouse, toutes les autres sœurs. Mais non : une différence existe, elle devient tout ; de ses yeux troublés l’homme ne voit plus qu’elle ; il s’en affole, s’en enivre ; il l’étudie, l’analyse, l’étend, la cultive, l’exalte ; il en devient fou, et fonde sur elle tout un système, tout un ordre de choses, tout un Credo. Il a tant fait que la femme lui est devenue comme étrangère ; et maintenant il en fait le tour en savant ; braquant sur elle ses lorgnettes, il amoncelle sur l’espèce des traités profonds ; il s’approche à petits pas de l’objet curieux, change sa voix, et se grime pour lui parler. Leur seul accent, en prononçant ce mot : femme ! est une insulte, doublée d’une sottise. Vis-à-vis d’elles, ils ont beau se faire humbles, ils ne peuvent être respectueux ; car dans leur voix, dans leur regard, dans leur mielleuse attitude, tout trahit la pensée fatale, écœurante, qui a changé promiscuité morale la grâce élective de l’amour.

— Ah ! s’écria-t-il, mais c’est de la haine ! Tu as été cruellement blessée parmi nous ?

— Oui ! » dit-elle.