Page:Leo - Aline-Ali.djvu/285

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tien pour vivre dans la société d’une bête à cornes, — bien que de l’espèce la meilleure et du meilleur naturel, depuis ces six semaines, il ne m’est arrivé de me pouvoir décharger un peu, en causant avec âme humaine, que cinq heures en tout, quand mon fils est venu renouveler les provisions ; et à dire le vrai, ce n’est pas assez, et je ne me sens pas capable de tenir plus longtemps à pareille vie ; si bien que, quand je suis là-bas dans l’autre chambre, tout seul devant le foyer, et que l’idée me revient de mon chalet, de ma femme et de mes enfants, et de mes voisins, le cœur me manque, et si ce n’avait été la peur de vous contrarier, je serais déjà là-bas.

« J’ai toujours attendu que vous vous décidiez à partir ; car, en vérité, je n’aurais jamais pensé que deux beaux messieurs comme vous se plairaient ici tant de temps ; mais vous ne dites mot de retraite, et à présent que M. Ali a mal au pied, c’est donc à n’en plus finir. Aussi, viens-je vous prier de ne point trouver mauvais que je retourne chez nous, et de prendre mon fils à ma place. Fritz est un bon garçon, il sait se tirer d’affaire et… »

Il s’étendait sur les qualités de Fritz, quand Ali l’interrompit par ces mots :

« Je suis guéri, Favre, et nous partirons avec vous demain. »

Paul tressaillit. Favre, joyeux, s’écria :

« À la bonne heure ! J’avais le cœur gros de vous laisser là, car je vous aime rudement, au moins, et je vous accompagnerais volontiers dans tous les pays où il vous plairait de me conduire, pourvu que ce fussent des pays vivants, c’est-à-dire où l’on trouve