Page:Leo - Aline-Ali.djvu/291

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venu pour eux une patrie, et la plus chère. Favre les conduisit de Grion à Villeneuve, au bord du Léman, et, après avoir embrassé le bon montagnard et l’avoir comblé au delà de ses espérances, Aline et Paul montèrent sur l’Helvétie, un des bateaux à vapeur qui, suivant la courbe du lac, font escale sur la côte vaudoise.

Ils venaient de changer de monde. Au sortir de ce grand silence de la montagne, le bruit, les cris, l’agitation du port et des voyageurs ; au lieu de l’air vif, transparent, éthéré des cimes, une atmosphère plus dense, presque étouffante. On était à la fin d’avril, et, depuis plusieurs jours, un soleil sans nuages dardait ses rayons sur la belle vallée du Léman. Autour d’eux se dépliaient, sous les monts qui les abritent, anses, ports, vallons, châteaux, villes, et tout le panorama de ces rives tant admirées.

L’eau bleue se parait de crêtes d’écume, et le sillage du bateau s’allongeait au loin, vers ce point de l’espace qu’ils venaient de quitter, mais où leur cœur habitait encore Oppressés, ils se taisaient.

Les grands yeux d’Ali, fixés sur le paysage, ne contemplaient rien de visible. Paul, accoudé sur le bord du bateau, le haut du visage à demi voilé par sa main, semblait absorbé par le spectacle des vagues, mais ne regardait que sa compagne, et, plongé dans cette adoration silencieuse, le regard brillant et attendri, il retrouvait l’éblouissement de cette heure où il avait découvert une femme dans Ali.

De tous ses mouvements, de chaque expression de ses traits, de ces grâces charmantes, qui étaient les siennes à elle seule, il s’enivrait, et ses regards