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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/303

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condamné à jamais pour l’amour fatal de Rosina ? Si tu exiges pour amant un être aussi pur que toi, où le trouveras-tu, mon Aline ? Il n’en est point. Tous, de bonne heure, hélas ! avant d’avoir compris l’amour vrai, nous sommes entraînés dans cette boue. L’opinion nous y pousse avec un sourire ; la famille tolère ; l’exemple corrompt ; de toutes parts, nous ne rencontrons que facilités, consentement, séductions. Que de femmes elles-mêmes, soi-disant chastes, n’auraient pour la virginité d’un homme qu’un sourire railleur ! Pèse tout cela et condamne-moi, si tu ne m’aimes pas assez pour me pardonner.

Craindrais-tu que j’eusse commis de ces lâchetés, que je juge comme toi inexpiables ? Te faut-il ma parole que je n’ai point, comme tant de pères de famille honorés et tendres, jeté préalablement des enfants à la voirie, avant d’aspirer aux joies du foyer ? Non, n’est-ce pas ? Tu me connais assez. Ah ! si tu savais avec quelle amertume je contemple ma vie passée ! avec quelle haine je renie ces fausses amours qui me font rougir devant toi ! J’en souffre par moments des douleurs insupportables, je voudrais me dépouiller de ces honteux souvenirs, et m’en laverais dans la mort, si j’étais sûr de revivre auprès de toi. Mais c’est comme ton amant, Aline, qu’il me faut vivre ; il ne me suffirait point d’être ton fils ou ton frère ; ton fils ! le fils d’un autre homme !… Ah ! si ta jalousie était pareille à la mienne, je l’avoue en frémissant, tu ne me pardonnerais pas.

Oui, j’en conviens, ce monde est insensé. Il ordonne des sentiments, de la raison même, comme de choses neutres à façonner à sa fantaisie, à imposer ou à supprimer çà et là. Depuis des siècles que