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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/330

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affirmant, quoique fils de paysan, que ces gens-là, pleins d’entêtement, de préjugés et de vices, ne méritaient aucun intérêt, et sauraient déjouer eux-mêmes le bien qu’on leur voulait faire. Cela pouvait, cela même devait être ainsi ; mais nos chercheurs n’étaient pas de ceux auxquels ce qui est cache ce qui doit être, et qui taillent à la mesure du présent l’avenir. Dans ces hommes défiants, avides, chez lesquels souvent la misère étouffe la nature ; dans ces femmes écrasées par les fatigues, avilies par un traitement brutal, forcément inintelligentes et vulgaires, ils discernaient les rudiments, quelquefois très-développés, de ces aptitudes qui font la grandeur et le charme de l’être humain.

Ces études étaient fertiles pour eux en observations touchantes ; ces images, ces problèmes de vie intime, les pénétraient souvent d’un attendrissement profond. Si pauvre soit-elle et abaissée, l’humanité se relève, aussi bien que la nature, sous ce beau soleil de mai, qui enlumine toutes choses de sa poésie. De petits pieds nus sur la mousse des bois ou des chaumes sont toujours charmants, et quand la lumière à son déclin pend de toutes parts aux arbres et aux buissons, déchiquetée par l’ombre, le haillon même devient pittoresque et tient fièrement sa place dans le tableau.

Dans leurs excursions, ils rencontraient, tantôt au bord d’un champ quelque femme assise, le sein nu, allaitant son joufflu nourrisson, avec cette chasteté de l’orgueil maternel que tous, parmi ces grossiers, comprennent et respectent ; ou bien des groupes d’enfants, beaux quelquefois d’une véritable beauté, que le travail et les privations n’avaient pas encore