Page:Leo - Aline-Ali.djvu/352

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gnit et l’entraîna vers le parc, leur promenade habituelle. Dès qu’ils furent seuls sous ces grands ombrages, où le jour s’éteignait :

« Ce que je déclarais tout à l’heure à l’égard du mariage, dit Paul, n’est pas une attaque vaine, mais un plan médité. J’ai profondément réfléchi depuis quelques jours à tout ce qui devait, fière et noble comme tu l’es, te rendre le mariage odieux et même impossible. Je me suis mis à ta place, et j’ai frémi de colère en présence du serment que la loi dicte à la femme. Non, ce n’est pas toi qui peux jurer une abdication aussi immorale, aussi honteuse. »

Elle pressa la main de son amant avec un regard de reconnaissance.

« Tu as su comprendre, lui dit-elle, ce que l’habitude voile aux yeux mêmes de beaucoup de penseurs. Nous sommes à une époque où la conscience vacille, et souvent trébuche, dans l’écart énorme qui se fait chaque jour plus grand entre le fait et l’idée, entre la formule et l’acte.

— L’habitude ! s’écria-t-il, elle règne sur nous à ce point qu’il m’a peut-être été nécessaire de te connaître d’abord sous le nom d’Ali pour accepter sans restriction, et dans toute sa plénitude, l’égalité de tes droits. La différence des formes, des usages, trompe si bien les yeux des hommes, qu’il en est peu, à cet égard, qui ne s’épuisent et ne se fourvoient en ingénieuses distinctions. Mais ta fierté est la mienne ; ton orgueil m’est aussi cher que le mien. Écoute :

« Les esprits les plus indépendants de ce temps, ceux qu’on désigne sous le nom de libres-penseurs,