Aller au contenu

Page:Leo - Aline-Ali.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

parla de manière à me prouver que nos idées s’étaient rencontrées sur ce point.

« Il y a longtemps, me dit-elle, que les efforts de la démocratie auraient dû se porter presque uniquement de ce côté. L’instruction du peuple, tout est là désormais, et tout est vain sans cela. Vous avez les rédacteurs, c’est le principal, quoi qu’on en pense. Je vais m’occuper de rassembler le capital, n’ayant moi-même en ce moment qu’une faible partie de la somme nécessaire. Accordez-moi quinze jours pour cette recherche. Si je n’ai pas réussi vis-à-vis des personnes à qui je vais m’adresser, je vendrai une ferme, et, le plus promptement possible, nous réaliserons ce projet. »

Bien que j’eusse déjà le sentiment de la grandeur simple et calme de ce caractère, je balbutiai par habitude un compliment sur la générosité.

« Vous vous trompez, me dit en souriant Mlle de Maurignan, je suis avare. À une époque où l’argent est le point d’appui obligé des énergies les meilleures, je ménage avec soin ce que j’en possède, et me ruine avec la plus stricte économie.

— Vous vous ruinez ? » m’écriai-je.

Elle sourit encore, avec un peu d’ironie cette fois.

« Eh quoi ! me dit-elle, c’est vous qui vous étonnez de me trouver infidèle à la religion du capital ? Que penseriez-vous d’un agriculteur qui, pour ménager son blé, n’en sèmerait qu’une quantité insuffisante ? Les biens vraiment féconds sont la vie et le temps ; ce sont eux dont les forces ne doivent pas languir, sous peine de disette. Calculez la puissance de multiplication dans l’ordre social d’une connaissance mise à la place d’un préjugé, d’une