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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/390

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yeux ne manquaient pas de flamme ; on eût dit parfois de l’énergie ; mais son teint pâle et déjà fatigué annonçait une maturité précoce, et ses lèvres, au lieu du franc et joyeux sourire de la jeunesse, avaient le pli du persiflage et d’un aristocratique dédain ; affecté peut-être à cet âge, mais qui n’en devait pas procurer plus de joie qu’un dédain réel.

Le second interlocuteur, salué du nom de Léon Blondel, devait avoir quarante ans au plus et pouvait encore passer pour un bel homme ; cependant, certains signes, au détail insaisissables, frappants à l’ensemble, dénonçaient en lui cet arrêt de développement après lequel un homme revient sur lui-même et ne vit plus que de son passé. Il paraissait charmé des avances du jeune vicomte ; celui-ci, content de la faveur qu’il venait d’obtenir, se piqua d’être courtois, fit d’aimables offres, parla de ses relations, et fit entrevoir, ma foi, la croix pour prix de l’entre-filet. On raconta du grand monde et du demi-monde des histoires pareilles ; on causa politique, finances et chevaux, et ils convinrent ensemble que la vie était assez piètre chose et ne pouvait guère contenter des esprits de quelque valeur.

Le petit vicomte ne croyait à rien, et puis il faut dire que sa famille avait de grands torts envers lui. Son père, déjà vieux, faisait de plus en plus des folies ; une tante au cerveau fêlé, qu’il songeait sérieusement à faire interdire, dissipait en bonnes œuvres — sans dévotion, chose étrange — la fortune de son légitime héritier. C’était de vertu, sans paradis, toute nue, que cette digne personne était affolée, et sa toquade consistait à ramasser, non-seulement sur le pavé de Paris, mais sur le gazon de la province,