Page:Leo - Aline-Ali.djvu/47

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enfant !… nourri de mon lait, de mes veilles, de tant d’amour !… salut de mon naufrage, mon seul avenir désormais, et ma seule joie !… non, cela n’est pas possible qu’on puisse me le prendre, à moi, pour le donner à cet homme, qui, en cherchant un plaisir, l’a créé sans le savoir !

« Je me rendis chez un célèbre légiste, décidée à tout pour reconquérir mon fils. Mais là j’obtins seulement confirmation de l’absolu pouvoir de M. de Chabreuil, et comme je refusais d’y croire et laissais éclater mon indignation et ma douleur : « Vous êtes injuste, me dit le jurisconsulte, la loi française protége éminemment la femme, et nul autre code… En est-il de plus iniques ? m’écriai-je épouvantée. — Madame, reprit-il d’un ton doctoral, il en est de plus sévères. La loi stipule en France des garanties… — Lesquelles ? demandai-je, me rattachant à cette espérance. Grâce à elle vos biens sont en sûreté… à moins que votre mari ne soit insolvable. »

« Je sortis de chez cet homme folle de douleur. Que me restait-il ? Je n’avais jamais été épouse, je ne pouvais plus être mère. La vie n’offre aux femmes, en dehors de la famille, aucune ambition, aucun but. Il me fallait vivre de néant, ou me consoler comme tant d’autres…

« Et l’on s’indigne de l’adultère !…

« Mais comprenez donc : en imposant à la femme un maître, vous lui avez conféré les droits de l’esclave. La ruse, chez le faible, correspond légitimement au despotisme chez le fort. En lui imposant un maître, vous lui avez laissé, remarquez-le bien, la possession tout entière de ce for intérieur, inviolable re-