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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/53

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rejeta cet amour, qui avait été mon culte et ma vie…

« Que reste-t-il d’un être d’où sont retranchés l’amour et la foi ? Tu parles à une morte. Je ne vis plus que par la douleur de ce déchirement… par l’inquiétude pour ceux que j’aime. Pour mon fils, je ne puis rien ; pour toi, j’ai cru te devoir la vérité. N’approche pas de l’écueil où je me suis brisée ; reste libre. Se marier, c’est prendre un maître, souvent infâme. Se confier à l’amour d’un homme, c’est vouloir périr dans la plus épouvantable agonie, le cœur en lambeaux, abreuvée de fiel. Ce que je souffre, des mots ne le sauraient dire. Hélas ! et ta jeune espérance ne le pressentira pas. Mais rappelle-toi constamment le récit de ma cruelle vie. Applique-s-en le souvenir aux êtres, aux faits qui se présenteront à toi, et, si tu as le moindre souci de ta dignité, de ton bonheur, attends du moins, observe, réfléchis, garde-toi !… »

Depuis un moment, elle s’était levée, et tout en parlant allait et venait çà et là, avec des mouvements fébriles et irréguliers, comme ceux d’un oiseau blessé qui, en expirant, se débat. Pâle et presque sans souffle, la jeune fille gisait immobile dans son fauteuil, repliée sur elle-même, et comme écrasée sous de telles révélations. Pourtant, elle se leva aux derniers mots de sa sœur, et, marchant à elle, les mains jointes :

« Ô Suzanne ! laisse-toi ranimer par des affections plus pures et plus fidèles ! Mon père et moi, nous te sauverons. Nous t’emmènerons loin d’ici ; ton enfant sera le mien.

— Ce serait perdre ta vie, et que me resterait-il, à moi ? Ne sens-tu pas, chère Aline, qu’il est aussi