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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/73

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« Si tu le peux, cache ce suicide à mon père ; sa douleur en serait plus grande. Le médecin croira, je l’espère, à un épanchement au cœur. Le poison que j’ai pris ne laisse pas de traces. E. m’avait donné d’avance le remède à sa trahison.

« Fais pour Gaëtan ce que j’aurais fait moi-même, bien peu sans doute, ce que tu pourras. Console notre père. Ne te remets jamais au pouvoir d’aucun homme. Adieu, ma sœur, à mon fils et à toi, de mon âme, ce qu’elle vous pourra garder.

« Suzanne. »

Aline relisait cette lettre quand un bruit dans l’antichambre la fit tressaillir, et elle se leva, prête à défendre de toutes les énergies de son cœur et de son esprit le secret de sa chère morte. Elle retourna dans l’alcôve, déposa un baiser sur le front glacé de Suzanne et la contempla dans sa mort, belle encore d’une étrange beauté, les traits empreints d’un calme qu’elle n’avait point goûté dans la vie. La main fortement appuyée sur sa poitrine, les yeux fixes, toute palpitante d’émotions inexprimables, puisant sa force dans l’exaltation de sa douleur, Aline resta là quelque temps, parlant du cœur à celle qui n’était plus.

S’arrachant enfin à cet entretien funèbre, elle sonna, envoya chercher le médecin de la marquise, ordonna des soins, qu’elle savait bien être inutiles, écrivit à son père, — afin d’amortir le coup de cette mort, — un billet plein de tristes prévisions, et alla chercher Gaëtan pour qu’il donnât à sa mère le dernier baiser. Le médecin, ainsi que Suzanne l’avait pensé, crut à un épanchement au cœur et enleva tout