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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/72

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damne pas, chère enfant ; ne prononce pas trop tôt sur moi. L’amour m’a trompée ; l’injustice m’écrase. Quand l’amour et la justice me sont refusés, de quoi veux-tu que je vive ?

« Forcée au silence et à l’inactivité, privée de ma liberté, je ne puis rien, ni pour ma défense, ni pour celle des autres. Vivre pour voir sous mes yeux mon fils devenir semblable à son père !… Ne crois pas que j’eusse pu détourner ce malheur. Libre, armée de tous les pouvoirs d’une mère et de toutes les ressources d’une incessante persuasion, peut-être eussé-je échoué, — car l’égoïsme, vois-tu, est la grande passion de l’être humain, et la conscience est trop peu forte contre le plaisir et l’orgueil, lorsqu’à leurs sollicitations se joignent et la force de l’exemple et l’influence de l’opinion. Pour l’autre, c’était une fille peut-être… Que sa mort donc soit bénie ! Quel que soit cet enfant, c’est avec tendresse que je l’emporte de ce monde avant qu’il ait pu mal faire ou souffrir.

« Laisse nos profonds moralistes objecter que j’aurais dû respecter sa vie, eux qui acceptent si facilement la perpétuité de ce tribut de tant de milliers de victimes que paye chaque année à la débauche l’enfance délaissée. Les champs de bataille aussi témoignent du respect de l’humanité pour la vie humaine ! Va ! perce les ballons de cette rhétorique bouffonne, dans laquelle se plaisent nos dupeurs et nos dupés. Sois plus forte que moi, et plus heureuse. Sois vraie. Garde-moi, chère et pure enfant, un peu de tendresse jusque dans ma mort. Aline, vivre en soi n’est rien. Aimer, croire, est tout. Je ne croyais plus.