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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/111

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Enfin, dans le chemin, qui de plus en plus se rétrécissait, une ronce vint à barrer le passage ; Émile s’en saisit, non pour l’écarter, mais pour la tendre devant la jeune femme, en lui faisant remarquer la délicatesse des petites roses blanches portées par la guirlande épineuse.

— C’est vrai, dit Mme de Carzet ; ici, les plus humbles choses, et même les plus méprisées, ont une adorable beauté. Notre luxe à nous sent la pauvreté : cela se vend, s’achète, a son prix coté, c’est vulgaire ; cela respire de toutes parts l’effort, la limite ; au lieu que dans la nature, la beauté d’elle-même est inépuisable et abonde. C’est la vraie richesse.

— Ah ! dit Émile en la regardant, il existe une beauté bien plus profonde, mille fois supérieure, et qui ouvre à l’âme des espaces mille fois plus grands ! Toutes les magnificences de la terre ne valent pas les enchantements que renferme un seul regard, et cette grâce naïve des choses est bien peu en comparaison de la moindre parcelle d’amour et de volonté réfléchie.

— Sans doute, répondit-elle en rougissant.

Et comme Émile, toujours devant elle, tenait le sentier, elle mit un pied dans le blé fleuri.

— En vérité, madame, s’écria-t-il en s’effaçant, pardon ! Je crois que je vous ai volé une minute, et vous fuyez avec tant de hâte !…

— Je fuis !… Vous n’y pensez pas, monsieur. Quelle raison aurais-je de fuir ?