esprit accommodant, point de principes ; parfaitement raisonnable et sachant toujours s’arrêter à temps. Il n’était ruiné de corps et d’âme qu’à moitié quand il me demanda ma fille. Comme il n’était ni bête, ni laid, ni joueur, ni trop débauché, qu’il avait des manières de gentil homme et le respect des liens de famille, car il passait pour un bon fils, je le trouvai préférable à quantité d’autres. Il plut à Antoinette et sut gagner sa confiance. Me voyant désirer ce mariage, et persuadée par l’exemple de toutes ses amies qu’il était nécessaire de se marier avant dix-huit ans, elle l’épousa. M. de Carzet fut pendant un an fort amoureux de sa femme ; je ne vois guère, en vérité, comment il eût pu faire autrement. Vint la naissance de Marthe, dont ma fille voulut absolument en être la nourrice ; fidèle à l’égoïsme qui l’avait guidé toute sa vie, M. de Carzet reprit alors ses anciennes habitudes, négligea sa femme, eut des maîtresses. Antoinette elle-même n’en put douter. Elle fut digne, sévère, calme, comme on peut l’être quand la passion n’existe pas, et se renferma dans son rôle de mère. Un jour, on lui rapporta son mari blessé, non pas même en duel, mais dans une rixe après souper. Le mal, qui d’abord paraissait peu grave, le devint. Ce choc eut des suites funestes. M. de Carzet reçut pendant une année les soins dévoués de sa femme, et ne put guère manquer de lui en être reconnaissant.
(La suite au prochain numéro.)