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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/18

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— Parbleu ! il faut l’être doublement avec vous, qui ne vous aidez en rien.

En achevant cette phrase d’un ton brusque, les yeux du docteur s’arrêtèrent sur la personne qui remplissait près de lui l’office d’infirmière, et il se sentit confus tout à coup d’avoir ainsi parlé devant elle. Car il s’apercevait enfin qu’il avait devant lui le type le plus pur de la distinction native, unie à l’élégance mondaine la plus raffinée. Dans cette pauvre demeure, au chevet de ce lit grossier, l’effet en était plus grand encore. Cette femme était belle ; mais, en dépit de ses grands yeux bleus, aux cils et aux sourcils noirs, en dépit de sa nuageuse chevelure, d’un blond lumineux, et de la finesse achevée de tous ses traits, ce qui frappait surtout en elle était une noblesse exquise. Vêtue d’une robe de mousseline violette sans ornements, coiffée d’un chapeau de paille de riz autour duquel flottait un voile de même nuance que la robe, elle donnait à tant de simplicité des grâces royales.

Cette petite main, qui bassinait les tempes de la pauvre femme, avait des doigts transparents, en fuseaux, aux ongles longs et rosés. À la taille mince et souple de cette jeune femme, à ses traits purs et candides, on ne lui eût attribué au plus qu’une vingtaine d’années, sans l’âge de sa petite fille, qui devait avoir de cinq à six ans. En cherchant celle-ci du regard, le docteur la vit sur le seuil, dans un rayon de soleil, s’occupant à considérer les poulets de la meunière, qui picoraient à ses pieds. Gracieuse et blanche comme sa mère, elle était encore plus frêle et plus déli-