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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/32

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cisément un peu de fièvre qui lui manquait.

Mais il y avait toujours tel de ses malades bientôt remplacé par un autre, qui avait besoin de lui et qu’il ne pouvait en conscience abandonner. Son exploitation rurale aussi l’occupait beaucoup ; il y faisait nombre d’expériences dont profitaient ses voisins, et qui répandaient quelques notions scientifiques dans ces campagnes arriérées. Émile Keraudet, enfin se trouvait attaché à son foyer natal, non-seulement par les liens de la tendresse et de l’habitude, mais parce qu’il s’y voyait utile ; grande joie secrète au cœur de l’homme et qui lui apporte cette confiance en lui-même, ce respect de soi dont il a besoin pour se sentir à sa place dans la vie ; sorte de lest nécessaire à l’équilibre moral, et dont les moins nobles sentent le vide, s’ils n’en éprouvent pas le désir.

Aimé, respecté, recueillant sur son passage l’élan d’une reconnaissance naïve, le jeune docteur, en somme, sous cet enlacement de petits soins, de tendresses, de considération flatteuse et de saines occupations, se laissait enraciner à la vie de province ; et le malaise secret qu’il éprouvait souvent et qui répondait aux lacunes d’une existence morale et intellectuelle incomplète, s’il éclatait parfois en impatiences, en boutades, ou se traduisait en sombres rêveries, ne faisait que tendre ses liens sans les rompre.

Ce jour-là, étaient-ce les parfums mondains que la belle Parisienne avait secoués sur lui qui enivraient le docteur Émile ? Ses regrets, ses désirs en