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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/33

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avaient-ils reçu plus de vivacité ? Mais il ne pensait point à Paris. Ce qui l’éblouissait encore intérieurement, c’était le souvenir de cette illumination du coteau pendant son entretien avec Mme de Carzet. Et ce qu’il revoyait le mieux de tout le tableau, c’était elle, au premier plan, dans son nuage de gaze violette, pure, divine et transfigurée par les rayons qui la pénétraient. Il se rappelait toutes les paroles qu’elle avait dites, et celles-là surtout qu’il avait entendues sous les genêts, avant de la voir.

Assurément, se disait-il, ce n’est point une femme ordinaire qui entend ainsi l’amour et l’ose définir à son enfant ! Quelle chaste créature ! et quel noble cœur !

Il pensait encore à tout ce qu’en avait dit la meunière. En effet, quelle adorable petite fille elle devait être autrefois ! Elle avait donc toujours été bonnet… Elle se nommait Antoinette… Elle était veuve…

Eh bien qu’est-ce que tout cela me fait ! dit-il en s’interrompant lui-même.

Et, haussant les épaules, il se remit en marche. Arrivé au village, il visita ses malades et se livra forcément à d’autres préoccupations. Cependant une jeune fille lui dit : Qu’est-ce que vous avez donc, monsieur Keraudet ? Vous est-il arrivé quelque chose aujourd’hui ?

— Non, dit-il.

Mais en s’en allant il dut convenir avec lui-même qu’en effet quelque chose lui était arrivé, il y avait en lui toute la secousse que produit dans l’esprit un grand événement.