pas si bien dire. J’ai besoin de toi. Si ce n’était que le baron encore… j’ai dansé avec lui dans ma jeunesse, au temps où l’on s’amusait à Savenay ; mais pour cette jeune et belle dame, je ne saurais que lui dire. Mes vieilleries ne l’intéresseraient guère, tandis que toi tu lui parleras de Paris :
Émile était trop bon fils pour ne pas céder à la volonté de sa mère, il ne se fit prier que pour constater à ses propres yeux sa résistance ; puis il alla se faire non pas beau, comme l’avait demandé Mme Keraudet, mais séduisant, ma foi, tant qu’il put. Il n’avait certainement pas la prétention de plaire à Mme de Carzet, mais il est permis de tenir à ne pas déplaire, et il y tenait tant que sa toilette fut longue et minutieuse. Une fois prêt, l’attente lui devint insupportable. Il allait et venait, haussant les épaules, grondeur : sa mère l’accusa d’être devenu sauvage. Cependant, au bout d’une heure, il échappait à Émile de dire avec dépit que, s’ils ne venaient pas, ce serait fort inconvenant.
La porte extérieure s’ouvrit enfin, et l’on vit s’avancer dans la cour, sous des flots de soie grise et de tulle blanc, l’apparition attendue. Mme de Carzet donnait le bras à un homme de cinquante à soixante ans, grand, de belle tournure, d’allure franche et délibérée, que Mme Keraudet reconnut, sans trop de peine, pour son danseur d’il y avait trente ans. Elle reçut ses hôtes avec l’affabilité simple qui lui était habituelle. Émile fut d’abord un peu froid ; mais il était difficile de l’être avec le baron de Beaudroit.