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Page:Leo - Grazia.djvu/141

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en face l’un de l’autre, seuls, dans une grande salle basse, assez fraiche, tandis qu’en dehors le soleil ardait, et que les roches arides et luisantes de la montagne, chauffées depuis le matin, jetaient sur le village de chaudes reverbérations.

— Je veux vous parler en ami, lui dis-je, si vous le permettez ; car votre situation me touche, et d’après ce que j’ai pu voir et deviner, elle est cruelle.

— Parlez parlez ! me dit-il avec empressement, et il me prit tout de suite la main. C’est bon ! Je suis content !. Vous avez bien à les intentions de ce bandit, vous ! Et vous en témoigneriez, n’est-ce pas ?

— De quoi pourrais-je témoigner ? Il a tué une hirondelle au-dessus de votre tête, d’une façon assez brutale, soit ; mais il n’y a pas là de quoi mettre un homme en jugement. Vous affirmez que ses intentions sont homicides, mais les intentions ne se voient pas. Vous ne pouvez donc rien à mon avis contre Nieddu ; car il ne me parait pas que vous soyez homme — et du reste je vous en félicite — à accepter le défi que, dites-vous, il vous a jeté, et à passer vos jours et vos nuits en embuscade, pour le tuer avant qu’il ne vous tue.

— N’est-ce pas, s’écria-t-il, que j’ai raison ? Vous, signor, vous êtes un homme de grand sens, comme il y en a malheureusement peu chez nous. Non, certainement, je ne pense pas à cela ! Comment voulez-vous ? D’abord, il est plus habile tireur que moi et plus habitué que moi à la fatigue. Et enfin, quand même ce serait moi qui aurais la chance de l’abattre, que m’en arriverait-il ? Me faire envoyer aux galères ou peut-être pendre ?… C’est que la justice ne plaisante plus là-dessus, et tous ceux qu’elle a attrapés… Aussi, voyez-vous, signor, les gens comme il faut de notre pays ont renoncé à ces choses-là. Je ne suis pas un sauvage, moi, comme će Nieddu. Je suis un homme instruit, u homme civilisé, je suis jeune, j’ai du bien ; je veux jouir de la vie et non pas la perdre