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Page:Leo - Grazia.djvu/171

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sedda avec étonnement et dédain, et ne répondit pas.

— Est-ce vrai, Raimonda, que tu ne voulais pas qu’Antioco épousât ma sœur ?

L’amante délaissée se retourna de nouveau, sombre comme une nuit d’orage :

— Qu’est-ce que tu croasses là, petite corneille ? (cornachiella).

— Oui, oui, c’est bien vrai ! reprit la petite fille, dont l’accent dénotait une leçon apprise, puisqu’ils se moquaient tous de toi hier soir, disant que tu serais bien attrapée, attendu que les noces de ma sœur vont avoir lieu ; elle ne sera pas fiancée longtemps ; et alors un des garçons a dit qu’il irait chanter sous ta fenêtre la chanson de la délaissée.

À peine ces paroles étaient-elles dites, que l’enfant reculait de peur, devant le visage qui se présentait à elle. Jamais expression plus ardente de haine, de colère et d’indignation, ne bouleversa une figure humaine.

— Race de chiens sans pudeur ! que venez-vous aboyer à mes talons ? Vous vous pressez trop de m’insulter !… Attendez un peu seulement, et nous verrons qui rira ! Tu n’as pas encore dansé à la nocé de ta sœur, morveuse imbécile ! Ah ! ils se moquent de moi ! Ils ne s’en moqueront pas toujours. Il y aura des larmes et des cris dans ta maison, petite, et dans celle d’Antioco Tolugheddu, et non pas des chants de joie. Ta sœur ne vêtira pas le rouge, mais le noir. Va ! va ! ce n’est pas le tablier de l’épouse que tu lui verras porter, mais la coiffe de deuil ! Ce n’est pas le cortége de noce que tu suivras, carognetta ! mais celui des funérailles !

Tout en parlant ainsi, elle s’avançait sur l’enfant, la main levée, les yeux flamboyants, la voix foudroyante, et l’enfant reculait en criant. J’eus peur qu’elle ne fut frappée ; je descendis l’escalier :

— Effisedda !

La petite, montant d’un saut les dernières marches, se jeta dans mes bras.

— Raimonda ! m’écriai-je alors, Raimonda !