Page:Leo - Grazia.djvu/172

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que dites-vous ? Songez à ce que vous dites.

Mais la passionnée ne prit pas garde à l’avertissement contenu dans ces paroles, et, avec la violence d’un torrent, arrêté un instant par un faible obstacle :

— Ce que je dis ? J’y songe, oui, j’y ai songé !… On n’aura pas insulté en vain une fille des Nieddu. S’il y a des âmes de boue, il est des cours d’or, et je serai vengée de ces chiens, de ces vautours qui font leur proie d’une fille orpheline ! Qu’êtes-vous venu faire ici, vous, le Français ? De quoi vous mêlez-vous ? Est-ce pour aider cette pie-grièche à fouiller dans mon sein, de son bec de proie ? Vous avez peur que je l’écrase, à présent ? Allez, allez vous êtes tous contre les faibles ; vous êtes des lâches !… Mais il en est un qui ne vous ressemble pas. Celui-là aime les abandonnés, et les défend ; c’est un lien !… Il s’est fait mon bras et il a mon cœur dans la poitrine ! Il me vengera ! Et ce jour-là, quand j’entendrai vos cris et vos grincements de dents, alors, moi, je chanterai ! je mettrai mes habits de fête, et je viendrai rire à la porte de la maison où sera le mort… Pleurez, pleurez !… Voilà ce qu’il vous a servi d’insulter une fille que vous croyiez sans défense ! Ah ! Raimonda se venge ! Elle a maintenant son pied sur votre tête. Hurlez, chiens ! Raillez, beaux plaisants ! Quoi ! vous n’êtes plus en train maintenant ?… Moi, je ris, je chante, je triomphe !… Vos cris sont, à mon oreille, une musique plus douce que le chant de l’alouette ; vos pleurs sont la rosée qui me baigne le cœur ! Val petite chouette des Ribas, oiseau de malheur, va dire à Grazia qu’elle prépare un de ses draps de noces pour linceul !

Effisedda ne jouait plus de rôle. Cramponnée à mon bras, elle sanglotait et courbait la tête sous les éclairs dont l’aveuglait Raimonda. Au dernier mot, elle jeta un cri, comme une enfant à l’imagination vive, aux yeux de qui la menace prend les proportions d’une réalité. Je cherchai vainement à apaiser Raimonda. Blanche de colère et trem-