Page:Leo - Grazia.djvu/247

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ché à cet ami, depuis ses chagrins, d’une façon toute fraternelle.

— Dites au moins ce que c’est, Angela.

Elle soupira longuement.

— M. le curé a publié aujourd’hui les bans de mariage d’Antioco Tolugheddu et de Grazia de Ribas.

Elle me regardait attentivement en disant cela et s’attendait peut-être à quelque exclamation ; je gardai le silence. M’observant toujours, elle poursuivit :

— Qu’est-ce qu’ils ont tant à se presser ? Quoi ! Fiancés depuis deux mois seulement ! Si c’était deux ans, à la bonne heure ! Il y en a qui se marient quelquefois dans la seconde année, parce qu’il y a des raisons, … mais… je ne crois pourtant pas… Elle n’avait pas l’air d’en raffoler tant de son fiancé ; et tout le monde dit que ce n’est pas elle qui l’a voulu, mais son père. Hum !… Et d’ailleurs, elle n’aurait pas eu le temps… Non… je ne sais pas si vous êtes comme moi, signor, mais je n’aime pas ces choses-là. Quand il y a une coutume, elle est pour tout le monde, n’est-ce pas ? Ah !… l’on en cause en ce moment dans Nuoro !

— Où donc est Effisio ? dis-je.

— Je ne sais pas ; c’est justement ce que je voulais demander à Sa Seigneurie.

Je sortis. Je jetai un coup d’œil en passant dans le café, au cercle, partout où je pouvais soupçonner qu’Effisio pût être allé ; je ne le vis pas. Il y avait deux heures environ qu’il était venu dans ma chambre, où je lisais, et nous avions échangé quelques mots fort calmes. Nous devions le soir même sortir à cheval. Il était dans son état ordinaire, triste, rongé au dedans, mais tenant la tête haute, — quand avec moi, il ne se laissait pas aller à pleurer comme un enfant.

À cette heure-là, évidemment, il ne savait pas la nouvelle. Qui la lui avait apprise ? Où ? Quand ? Sans doute, il était sorti pour lire les journaux, et le premier venu, bêtement ou méchamment, lui avait jeté ce mal-