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Page:Leo - Grazia.djvu/348

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— Depuis longtemps je ne pouvais dormir la nuit. Je me promenais en faisant des vers.

— Il résulte des témoignages des pâtres que vous avez disparu pendant au moins trois heures. Les nuits d’octobre sont fraîches sur la montagne.

— Non pas sur ce versant, très-bas et exposé au midi ; j’ai pu, en effet, me promener on rêvant pendant près de trois heures.

— Ou quatre ?

— Je ne le crois pas. Les dépositions des témoins éclairciront le fait. En tout cas, si M. le président a la connaissance des lieux, pourrait-il croire, si bon marcheur qu’il puisse être, que j’eusse pu faire, même en quatre heures, le chemin d’Oliena, aller et retour, outre le temps matériel nécessaire. à l’embuscade et au coup de feu ?

C’était le point capital de la défense. Non, le temps matériel n’existait pas, si bon marcheur que pût être Nieddu. Et il eût été bien étrange que, voulant commettre le crime cette nuit-là, il eût été demander asile à la pastorisia de Cubeddu, éloignée d’Oliena de près de trois heures.

Cette révélation, jusque-là tenue secrète par la défense, produisit une vive surprise. Généralement, on ne doutait point du crime de Nieddu. Quoi ! Était-il donc possible que ce ne fut pas lui qui eût tué Antioco ? Que c’eût été réellement le fait de simples maraudeurs, pris par le propriétaire ? La chose dans ce pays n’avait rien d’improbable. Et la justice aurait négligé la piste véritable pour suivre celle que courait l’opinion publique ?…

Mais alors on se demandait qui avait tué Pepeddo ? En dehors de Nieddu, qu’il avait trahi, ce garçon n’avait pas d’ennemis. Les doutes alors revenaient ou plutôt l’ancienne certitude. Ces deux meurtres, qu’on avait toujours attribués à la même cause, et qui semblaient en effet si étroitement liés, dénonçaient l’un par l’autre leur auteur. Et ce double alibi, dans les deux cas presque semblables, n’indiquait-il pas la même imagination ?