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Page:Leo - Grazia.djvu/352

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— En disant cela, déjà, il avait dans l’œil les affres de ce départ.

— Le pauvre diable ! dis-je à Effisio. Il n’y aura donc jamais d’amnistie ?

— Tu vois, me répondit mon ami, comme on les entoure, et quel prestige garde encore ce banditisme si malheureux. L’amnistie en créerait sans doute un plus grand nombre, et je ne crois pas qu’on l’accorde pour cette raison.

— Il me semble que le prestige existe même pour les magistrats. Demanderait-on, ailleurs qu’en Sardaigne, le témoignage d’un bandit ?

— Le Sirvone est un témoin invoqué par la défense ; les jurés feront de sa déposition le cas qu’ils voudront.

C’était le jour des témoins à charge. Basilio Tolugheddu ouvrait la liste, et je venais après lui, pour rendre compte de l’aventure du coup de feu sur le chemin d’Oliena, du battibecco (mot à mot bataille de bec) à la fontaine de Gurgurigaï, enfin, des circonstances touchant la mort de Pepeddo. Quant aux conversations qui avaient eu lieu entre Nieddu et moi, je ne fus point questionné et m’abstins d’en rien dire. Elles n’eussent d’ailleurs rien appris, puisque Nieddu avouait hautement ses intentions ; puis, il y a dans ces échanges d’homme à homme quelque chose à mon sens d’aussi respectable que ce qu’on appelle le secret professionnel. L’action de la justice me semble devoir porter sur les faits et non sur des ébauches de résolutions, souvent reprises, ou sur le laisser-aller capricieux de l’intimité. Il faut qu’un homme puisse parler à un homme, sans entrevoir à l’horizon la toque d’un juge, non plus que la robe d’un inquisiteur.

Vinrent ensuite Effisio, Cesare Siotto, Cabizudu, pour ce qui regardait le meurtre de Pepeddo ; enfin le Sirvone. Il confirma l’assertion de Nieddu ; ce soir-là, ils ne s’étaient pas quittés. Ils étaient dans la montagne de Gonnara, et voulant se rapprocher de Nuoro, ils avaient pris vers dix heures la route de Mamolada, au lieu appelé le Verdaccio. C’est