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Page:Leo - Grazia.djvu/381

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— On m’impose de choisir ; je n’ai plus un instant de paix !

Ce même jour, don Antonio me reconduisit chez Effisio.

— Tu n’es toujours pas décidé ? lui demanda-t-il ?

— Mon oncle, répondit Effisio, êtes vous sûr vous-même de ce que vous faites ? Rien ne prouve que Nieddu soit le meurtrier. Ce dont les jurés ont douté dans leur conscience, moi aussi, j’en doute. Dans votre passion de vengeance, vous vous exposez à sacrifier un innocent.

Don Antonio haussa les épaules, en riant d’un rire sarcastique ; puis, il entra en colère, jura que Nieddu était l’assassin d’Antioco, qu’il en était sûr comme s’il l’avait vu lui-même, que c’étaient là des raisons qu’on donnait, parce qu’on ne voulait pas, qu’il voyait bien qu’on s’entendait par dessous, mais qu’il y mettrait bon ordre !

Et il s’en alla furieux. Cette dernière phrase nous donna à penser que Grazia lui avait opposé le même argument, et cela nous remplit de joie. Elle aussi, donc, elle désertait la vengeance, l’essayait du moins ?

Deux jours se passèrent, pendant lesquels je n’osai pas reparaitre chez de Ribas, Les lettres de Grazia, tristes, désolées, nous donnaient à craindre par leurs réticences que la pauvre enfant me fût en butte à de graves persécutions. Quirico tout-à-coup, tomba chez nous :

— Il faut que tu viennes ce soir, dit-il à Effisio, toi tout seul ; c’est papa qui te le fait dire.

— J’irai, dit mon ami.

Après le départ de l’enfant, il tomba dans une morne inquiétude.

— Que va-t-il se passer ? Qu’ont-ils imaginé ? Quelle torture vont-ils infliger à cette pauvre créature, pour la forcer à choisir ? c’est à-dire à prendre Pietro de Murgia, puisque je refuse ?

Il se promena longtemps en silence et je voyais sa tête s’échauffer, son œil s’égarer.

— Sais-tu, me dit-il, en s’arrêtant devant moi, les yeux fixés, non pas sur les miens, mais plus bas, sur ma poitrine, comme s’il eût évité mon regard, sais-tu que… par moments… j’ai des envies… d’accepter ?

— Oui, par moments, lui dis-je, avec émotion ; on a de ces défaillances quand on souffre. Mais tu es incapable de passer à l’acte,