Page:Leo - Jacques Galeron.djvu/195

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livres à succès éphémère, mais avec laquelle on écrit des œuvres véritables.

Le premier des trois ouvrages d’André Léo qui affronta la publicité, sinon le premier qu’il ou qu’elle écrivit, fut le Mariage scandaleux. Des qualités éminemment viriles à côté de certaines grâces inséparables de la femme, une habileté consommée dans l’art du récit, que ne dépare pas une visible inexpérience, une façon particulière de cingler le ridicule, une logique serrée dans la démonstration d’une thèse toute morale, un sentiment exquis du paysage et une éloquence pénétrante, un style, enfin, élégant, original à certains moments, et s’échauffant aisément jusqu’à faire vibrer toutes les fibres de l’âme ; n’était-ce pas plus qu’il n’en fallait pour qu’un tel livre ne passât point inaperçu ?

Le sujet lui-même offre un attrait saisissant. Une jeune fille de petite bourgeoisie, vivant à l’air libre, entre un père paresseux et sans énergie, une mère sottement vaniteuse et une sœur ambitieuse, s’attache à un jeune paysan intelligent, grand de cœur, et le seul appui qu’elle rencontre dans un milieu où la misère de sa famille engendre dans cette maison délabrée des querelles incessantes, des tiraillements, des haines dont Lucie supporte le poids avec une douceur angélique. Son père, sa mère, sa sœur, qui affectent le plus méprisant dédain pour les paysans, font je ne sais quels rêves insensés, et dont ils sont justement punis, en portant les yeux au-dessus d’eux.