Page:Leo - L Ideal au village.pdf/41

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— Ne m’en parle pas, dit M. Darbault. Depuis l’établissement du chemin de fer, tout se paye ici au poids de l’or.

— La tête leur a tourné, s’écria Mme Darbault. C’est une fièvre, une folie ! On ne peut plus se faire servir, et non-seulement ils ne se contentent de rien, mais ils prétendent à tout et n’ont plus de respect. Autrefois, ces gens-là étaient humbles, soumis, rangés ; ils vous saluaient chapeau bas et vous regardaient comme des personnes supérieures. Maintenant on ne peut s’imaginer jusqu’où va leur insolence, et ils se regardent comme vos égaux. Autrefois, on les contentait de peu, on les éblouissait facilement, on acquérait à bon marché leur reconnaissance ; mais à présent, à moins qu’on ne soit millionnaire, ils ne vous considèrent point.

— Il faut dire, ajouta l’oncle en riant, qu’en voyant arriver ces deux Parisiens, qu’on attend depuis trois semaines, les gens se sont dit : « Voilà de grands seigneurs qui ont de l’argent en poche et qui doivent en laisser dans le pays. »

— Ils se sont bien trompés, répliqua Cécile ; car ils n’ont affaire qu’à de petites gens qui veulent économiser.

— Vraiment ! » dit la tante d’un air de surprise et d’embarras qui se réfléchit sur toutes les figures.

Et Mme Darbault changea aussitôt l’entretien en se plaignant que son neveu et sa nièce ne mangeaient point, et qu’elle voyait bien que son dîner était détestable. C’était la faute de Françoise et puis encore de tel ou tel fournisseur et de tel et tel accident. On ne pouvait rien faire comme on voulait ;