Page:Leo - L Institutrice.djvu/107

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et je vous ai prise pour elle au premier moment ? Je vous ai fait si grand’peur. Elle était pourtant bien prudente ; car elle me défendait presque de lui parler en public et voulait que j’eusse l’air de ne m’occuper que de vous… Ah ! si j’avais eu plus de bon sens !… Mais voilà, on laisse faire sa vie par les autres, et me voici maintenant, grâce à mes parents, marié et père de famille et encrouté dans une ferme. Ce n’est pas ce que j’avais rêvé. Bah ! mon père et ma mère trouvent que je suis heureux… C’est égal, c’est une drôle de chose que la vie. Il me semble être déjà vieux !

Il soupira longuement et resta rêveur.

L’enfant, qui avait quitté ses genoux, grattait à leurs pieds la mousse. Elle se releva soudain, en appuyant sa petite main sur les genoux de Sidonie, qui, peut-être pour cacher son trouble, la saisit et l’embrassa.

— Est-ce que vous la trouvez donc gentille, vous, cette petite ? On lui reproche toujours d’être laide et méchante. Elle n’est pas méchante avec moi, la pauvre enfant !

— Elle ne l’est pas, j’en suis sûre, dit Sidonie, en regardant Rachel.

— Non ; vous avez raison ; c’est qu’on n’est pas bon pour elle… vous l’élèveriez bien mieux, vous, dit-il, après un silence. Elle qui est si sauvage, on dirait qu’elle vous aime déjà.

Ces dames rentraient dans l’allée ; il fallut les suivre jusqu’au verger. Les forces manquaient à Sidonie, et cependant elle n’eût pas voulu pour tout au monde s’isoler ; car, seule, elle se fut abandonnée à une crise de douleur, dont elle n’eut pu cacher les traces. Sa pâleur, toutefois,