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Page:Leo - L Institutrice.djvu/109

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Feuilleton de la République française
du 16 janvier 1872

(18)

LES FILLES PAUVRES

L’INSTITUTRICE[1]


Les jours qui suivirent se passèrent pour elle dans l’étourdissement qui suit un grand coup. Elle ballottait dans ses habitudes comme un courrier aveugle dans ses rêves, sans plus trouver à la vie aucune saveur, presque insensible, ne ressentant qu’un mortel dégoût. Elle se disait parfois : Peut-on vivre ainsi ? et frémissait à l’aspect de cette longue existence, simple suite de jours, qui s’étendait devant elle. Un soir, après la sortie des élèves, elle rangeait silencieusement la classe, elle entendit le bruit d’un char-à-bancs et vit passer Ernest Moreau, qui la salua. Cette vue l’émut, mais de souvenir seulement. Ce n’était plus lui.

Quelques instants après, assise à la fenêtre, où elle préparait pour ses élèves les ouvrages du lendemain, tandis que sa mère s’occupait du dîner dans la cuisine, elle vit entrer Ernest. Il s’assit, entama une suite de propos assez décousus, s’informa

  1. Voir la République française depuis le 26 décembre.