Page:Leo - L Institutrice.djvu/117

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autre volonté humaine ? Et puis, la loi morale peut-elle ne pas être la même pour tous ? Or, si le dévouement est la loi, comment tous l’observeraient-ils ? Une moitié de l’humanité devra-t-elle, pour le salut de l’autre moitié, pratiquer l’orgueil et l’égoïsme ? Oui, en vérité, ce dévouement raffiné se rencontre, et même si violent et si acharné qu’on ne saurait le résoudre à céder la place. En somme, cet illogique système aboutit à une immense mystification, dont le double mot est, d’une part, la sottise, et de l’autre, l’hypocrisie. Le dévouement n’est le bonheur et la vérité, qu’à condition d’être spontané, magnifique élan, mais rare. C’est le grand irrégulier, c’est l’éclair, la foudre ; ce ne peut être la loi. La loi, c’est le droit de chaque être, assuré par le droit commun.

Quand elle en fut là, tout croula. Toutes les pierres du vieil édifice une à une se détachèrent, et Sidonie ne vit plus en face d’elle que la grande nature et sa Rachel, calmée, souriante et déjà tout embellie.

Une fois que M. Moreau avait passé un mois sans venir à Messaux, en voyant sa fille, il ne put cacher sa surprise.

— Mon Dieu ! dit-il, elle devient jolie. Que lui faites-vous ? Elle n’a pourtant que ses mêmes toilettes d’autrefois. Mais elle est si propre, si bien peignée, si mignonne ! Et ses yeux, vraiment ils s’agrandissent ! Et lui voilà de petites manières ! Ah ! mademoiselle Sidonie, je suis bien content de vous l’avoir mise entre les mains, j’en suis bien content !

Elle sourit, ses yeux s’humectèrent, et elle eut un pardon complet pour toutes les douleurs que cet homme, involontairement, mais imprudemment, lui avait causées.