Page:Leo - L Institutrice.djvu/118

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Ne lui avait-il pas donné un bonheur plus grand ? Maintenant le vide si douloureux de sa vie n’existait plus ; cette enfant le remplissait sans doute, Sidonie donnait à la passion maternelle tout ce qu’elle n’avait pu donner à un autre amour ! Mais elle se trouvait heureuse, à la fois par sa tendresse et par le flot de vie, de choses, d’idées nouvelles dont cette tendresse était devenue la source. Son esprit s’élargissait comme son cœur. En même temps qu’elle faisait l’éducation de Rachel, elle refaisait la sienne. Émue, tendre, pieuse, un peu prosternée devant sa chère enfant, elle étudiait, écoutait, parfois recueillait quelque oracle tombé de ces lèvres enfantines.

Les premiers jours, on avait essayé de tenir Rachel dans la classe pendant le temps des exercices. Mme Jacquillat ne désirait point s’en charger ; et la laisser courir seule dans le jardin et dans la maison ; c’était, vu sa nature entreprenante, un danger, soit pour elle-même, soit pour les choses du logis. Mais une séance de quatre heures de suite, pendant laquelle on n’entendait que de monotones b a ba tomber dans le silence lourd de la classe, ou les plumes grincer sur le papier, ou le verbe dérouler ses litanies, ce fut pour l’enfant sauvage de la ferme, un supplice qui surexcita ses nerfs jusqu’à la révolte. Plusieurs fois, il fallut l’emporter hurlante et convulsionnée. Où la conduisait alors Mme Jacquillat ? En plein air, naturellement ? Allons donc ! C’eût été contre tous les bons principes. Elle ne pouvait supporter d’être renfermée. On la renfermait plus étroitement. Mme Jacquillat n’avait sur ce point aucune hésitation. Elle portait Rachel au cabinet