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Feuilleton de la République française
du 21 janvier 1872

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LES FILLES PAUVRES

L’INSTITUTRICE[1]


Sidonie se sentit perdue. On entendait en bas la voix aigre et grondeuse de Mme Moreau. Ernest, on le voyait à son attitude, à l’expression pénible et ennuyée de ses traits, supportait impatiemment ce débat. Sidonie ne pouvait s’imposer plus longtemps à cette famille. Comme un condamné à mort, elle implora une grâce.

— Voulez-vous venir me conduire avec Rachel ?

Il se leva avec empressement, et proposa de faire atteler. Mais elle refusa, pensant que le trajet durerait plus longtemps, que peut-être ils viendraient assez loin !… Tant que Rachel serait là, Sidonie trouverait des forces pour marcher ; et après, qu’importe ? Elle se disait aussi que cette course ferait du bien à la chère petite sauvage, qu’on retenait prisonnière.

En chemin, soit pour justifier la manière dont elle avait élevé Rachel, soit par haine pour les préjugés qui la condamnaient sans appel, elle ne put s’empêcher de parler avec

  1. Voir la République française depuis le 26 décembre 1871.