Page:Leo - L Institutrice.djvu/140

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ressentiment du curé de Messaux et de ces idées soi-disant religieuses, qui s’imposent aux hommes pour les empêcher de penser et peut-être de trouver mieux…

— C’est donc bien vrai que vous n’avez pas de religion ? demanda Ernest.

Deux larmes coulèrent sur les joues de l’institutrice, et elle murmura :

— Je sais aimer.

Mais il entendit à peine et ne comprit pas.

— C’est singulier, reprit-il ; nous autres hommes, nous n’y tenons guère… Mais une femme !…

Elle n’eut pas le courage de répondre. Il reprit encore :

— Eh bien, je vous conseille de ne pas le laisser voir ; ça vous ferait beaucoup de tort. Je sais bien que tout n’est pas vrai, là-dedans ; mais après tout, la religion est utile.

— Vous croyez ? répondit-elle.

— Ah ! par exemple, et comment ?…

— Son Dieu est injuste et cruel. Comment les hommes ne le seraient ils pas avec lui ?

M. Moreau la regarda tout ébahi, presque effrayé. Aussitôt elle fut fâchée d’avoir dit cela. Mais dans l’état de désespoir où elle se trouvait, le lendemain lui importait si peu et tout autre malheur que celui de perdre Rachel lui semblait si indifférent, qu’elle en oubliait toute prudence ! Ernest prit congé d’elle bientôt après. L’adieu fut cruel ; Rachel, voulant suivre son amie, s’attachait à elle en pleurant. Il fallut, pour l’apaiser, que Sidonie trouvât la force de surmonter sa propre douleur.

Ernest, ému, promit de conduire souvent