Page:Leo - L Institutrice.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion de Rachel. Il se permettait bien, quant à lui, de fronder les prêtres, et même s’y croyait obligé d’honneur, tout en étant plein de politesses pour son curé ; mais la religion elle-même, sans avoir d’opinion précise à cet égard, il pensait volontiers que c’était chose utile et respectable, et, quoi qu’il en fût d’ailleurs, ce n’était pas à une femme de penser autrement.

À ses yeux, Sidonie manquait sur ce point de convenance. Il se produisit donc, dans son estime pour elle, un abaissement marqué, et la sympathie s’en ressentit. Dès le printemps suivant, il ne pensait qu’à se délier d’un engagement qui le gênait, et il éloigna de plus en plus les visites. Quand Rachel venait avec sa mère, Sidonie ne la voyait qu’à l’église, et pouvait à peine échanger quelques mots avec elle et l’embrasser. Mme Moreau n’allait plus chez l’institutrice et lui témoignait une extrême froideur.

Peut-être Sidonie eut-elle moins souffert d’une séparation complète. Elle voyait sous ses yeux l’œuvre qu’elle avait faite se défaire, et pouvait constater à chaque fois les progrès de cette destruction. Rachel redevenait brusque, chagrine, emportée. Ses traits s’altéraient en même temps que son humeur. Vint un autre changement, que Sidonie refusait de prévoir, mais auquel ne pouvait échapper, hélas ! la nature de l’enfant, non plus que celle de l’homme. Dans leurs premières entrevues, c’était avec un emportement passionné que Rachel se jetait dans les bras de son amie, et leur séparation n’avait point lieu sans cris et sans pleurs ; scènes cruelles, mais qui pourtant laissaient au fond du cœur de l’institutrice l’âpre douceur d’être aimée.