Page:Leo - L Institutrice.djvu/147

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larmes qu’elle se hâtait d’essuyer tombaient de ses yeux.

Chose étrange, elle ne comprenait guère tout cela qu’en vue de Rachel, et elle continuait, vis-à-vis de ses élèves, l’enseignement classique et réglementaire imposé par l’autorité, sanctionné par la punition. Il est vrai qu’en ceci le règlement l’obligeait. Mais elle n’y cherchait pas d’adoucissement. Toute son âme était ailleurs.

Elle faisait sa classe machinalement, en suivant le texte du livre, faisait réciter, parfois sans entendre, regardait les cahiers d’un œil distrait, expliquait peu ou point, et tandis que son esprit, tendu sur ses chagrins, les analysait et les creusait douloureusement, il lui échappait des distractions, des oublis dont les élèves riaient sous cape et dont bientôt elles s’avisèrent de profiter. Ainsi, le même devoir servit à plusieurs ; on se raconta des contes en ayant l’air d’étudier ses leçons ; on se fit des niches ; on en vint, enhardies par l’impunité, jusqu’à faire des grimaces à l’institutrice, sans crainte de ces yeux grands ouverts, mais voilés comme par un rideau, derrière lequel ils contemplaient d’autres scènes. Et les rires étouffés couraient dans la classe et la voix de l’institutrice n’obtenait plus le silence, et les punitions mêmes devenaient impuissantes à contenir une insubordination de plus en plus audacieuse et insolente.

Cette guerre, toujours prête à éclater entre l’élève et le professeur, qui n’est au fond que la lutte éternelle de l’esclave contre le maître. Sidonie la connaissait bien. C’est la plaie secrète plus ou moins douloureuse. — selon le caractère et le savoir-faire, — de tous ceux qui reçoivent actuel-