Page:Leo - L Institutrice.djvu/16

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quand elle parut à l’église, fit scandale. Elle avait une robe à volants ! une institutrice !

— Il n’y en a pas comme les sans-le-sou pour être fiers, dit Mme Moreau, la mairesse. La vieille Mme Urchin, après avoir de son banc regardé Mmes Jacquillat, d’un air méprisant et rébarbatif, passa près d’elles sans les saluer, et prétendit que c’était une pitié ! que ça faisait mal au cœur et qu’elle n’avait pas bonne opinion de cette petite sotte.

— Est-ce qu’une si belle demoiselle voudra prendre la peine de s’occuper de nos petites ? dirent les paysans à leur sortie de l’église. À quoi quelques-uns répondirent d’un air malicieux : All s’occupera de nos garçons.

À supposer que ce fût vrai, les garçons le lui rendirent par avance, le bel Ernest Moreau en tête, sans compter le fils Urchin. On fit tout de suite le parallèle entre la nouvelle venue et mademoiselle Favrart, qui, jusqu’alors, étant seule, avait joui sans partage de l’admiration locale. Cette comparaison inévitable, Mlle Favart, qui, dans les premiers jours, n’y avait sans doute pas pensé, eu reçut l’impression, à partir de ce dimanche où l’institutrice et sa toilette firent une telle sensation à Boisvalliers.

Qu’était-ce que cette toilette ? Grand Dieu ! il faut bien le dire : une robe de mérinos bleu, garnie, au bas de la jupe, au corsage, aux manches, de volants de taffetas noir festonné, ceinture noire à longs bouts, qu’on portait alors sur le côté ; col et manchettes brodés au plumetis ; nœud de velours bleu dans de beaux cheveux châtains,