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Feuilleton de la République française
du 26 janvier 1872

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LES FILLES PAUVRES

L’INSTITUTRICE[1]


Pour des populations nourries de catéchisme, le travail, c’est toujours la malédiction de Dieu sur le couple chassé de l’Éden ; c’est la punition, la souffrance, le dur côté de la vie. Travail et plaisir sont les deux pôles opposés. Travail et peine sont identiques. Donc, si les petites s’amusaient, c’est qu’elles ne travaillaient pas ; et si elles ne travaillaient pas, c’était de l’argent perdu, celui qu’on dépensait pour l’école. Il n’y avait pas à sortir de là, et ce raisonnement appuyait sur le point le plus sensible de l’âme du paysan, le seul qui puisse l’exciter jusqu’à la révolte, jusqu’à la fureur, et sur lequel, — il faut bien s’en rendre compte en ce temps, — doivent se fonder exclusivement ceux qui veulent perdre ou gagner une cause devant ce tribunal aveugle et souverain.

Imaginez donc une école où l’on ne faisait presque plus lire les enfants, à peine

  1. Voir la République française depuis le 26 décembre 1871.