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L’INSTITUTRICE[1]
Après les premières félicitations, voyant
Mme Maigret occupée, l’institutrice, prenant
la main d’un des enfants, se dirigea par les
jardins, jusqu’à sa petite maison d’autrefois.
Là, sept ans de sa vie s’étaient passés,
et lui semblaient y être restés dans tous les
coins, sous toutes les branches de ces arbres,
sous ce pignon blanc, garni de ces chèvrefeuilles,
qu’elle avait tant aimés ! Elle suivit
le sentier qui descendait le long du jardin
jusqu’à la rivière, et à chaque pas qu’elle
faisait, les yeux dans ce jardin, elle voyait
surgir toutes les images de sa vie d’autrefois,
faits légers ou graves, mais tous mélancoliques
et chers maintenant. Alors elle
était jeune, fraîche et pleine encore d’espérance,
du moins dans les premiers temps ;
alors il y avait encore entre elle et la destinée
sévère le doux rempart du sein maternel,
Et maintenant, cette autre Sidonie qui
marchait dans le sentier, pâle, maigre,
vieillie, seule et triste, n’est-ce pas elle plutôt
qui était le fantôme ?
Dans ce jardin, dans ce sentier, dans ces prés, dans ces bords de la rivière, tout lui parlait de cet amour qu’elle avait eu parce qu’elle voulait aimer, rêve étrange que maintenant elle ne comprenait plus. Elle
- ↑ Voir la République française depuis le 26 décembre 1871.