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Page:Leo - L Institutrice.djvu/169

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Feuilleton de la République française
du 27 janvier 1872

(28)

LES FILLES PAUVRES

L’INSTITUTRICE[1]



Après les premières félicitations, voyant Mme Maigret occupée, l’institutrice, prenant la main d’un des enfants, se dirigea par les jardins, jusqu’à sa petite maison d’autrefois. Là, sept ans de sa vie s’étaient passés, et lui semblaient y être restés dans tous les coins, sous toutes les branches de ces arbres, sous ce pignon blanc, garni de ces chèvrefeuilles, qu’elle avait tant aimés ! Elle suivit le sentier qui descendait le long du jardin jusqu’à la rivière, et à chaque pas qu’elle faisait, les yeux dans ce jardin, elle voyait surgir toutes les images de sa vie d’autrefois, faits légers ou graves, mais tous mélancoliques et chers maintenant. Alors elle était jeune, fraîche et pleine encore d’espérance, du moins dans les premiers temps ; alors il y avait encore entre elle et la destinée sévère le doux rempart du sein maternel, Et maintenant, cette autre Sidonie qui marchait dans le sentier, pâle, maigre, vieillie, seule et triste, n’est-ce pas elle plutôt qui était le fantôme ?

Dans ce jardin, dans ce sentier, dans ces prés, dans ces bords de la rivière, tout lui parlait de cet amour qu’elle avait eu parce qu’elle voulait aimer, rêve étrange que maintenant elle ne comprenait plus. Elle

  1. Voir la République française depuis le 26 décembre 1871.