Page:Leo - L Institutrice.djvu/178

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gination prendre corps, et elle y pensa, tout en tressant ses cheveux devant le miroir de sa chambre, où elle contemplait son visage pâle, encore doux et pur, mais déjà creusé, au front et au coin des yeux, de lignes profondes.

Il n’y a plus moyen d’aimer un pareil visage, se disait-elle, en s’efforçant de sourire, tandis que son cœur, dont la soif d’aimer n’avait jamais été satisfaite, battait à coups redoublés.

Elle mit du soin à sa coiffure, donna un ton harmonieux à toute sa pauvre toilette, et, se regardant à deux pas du miroir, en clignant un peu les paupières, elle se plaisait à retrouver encore, au moins dans l’ensemble des lignes, la grâce pure et chaste de la Sidonie d’autrefois.

Avait-elle donc réellement envie de plaire à M. Lucas ? Oui, pour voir. Qui donc l’avait jamais demandée en mariage ? Une possibilité si étrange valait bien qu’on s’en occupât. Et puis, malgré son éloignement pour l’homme, ce choix considérable, immense, qui peut-être s’offrait à elle, de la vie de famille ou du célibat éternel, ce choix à faire l’oppressait et la tenait hésitante, par ce qu’il avait de décisif à jamais.

Quand elle descendit, elle trouva M. Lucas près du feu, le dos à la cheminée, et il lui sembla un peu plus gros, c’est-à-dire plus bouffi, et plus important que la veille. Une grimace d’amabilité qu’il fit en la voyant, et les politesses obséquieuses dont il l’accabla, confirmèrent les doutes de Sidonie. Étrange situation ! Plus l’idée d’un mariage lui paraissait possible et la sédui-